Même si les passages les plus réussis sont sans doute ceux où les deux voix se mêlent étroitement (tel le glissement deTriste, failly, plus noir que meure [mûre], àtriste maigre plus noir / qu’immigré clandestin ou bien celui des fils de rois / et conçus en ventres de reines à ceux qui ont été conçus / par des ovules de dictatrices), l’ensemble est plutôt vivifiant et, à travers de multiples décalages, l’auteur parvient indéniablement à retrouver une certaine tonalité villonesque : entre autres illustrations, la Vierge devient Rouge comme il se doit (Dame du ciel, régente terrienne > dame rebelle esprit de la Commune) et les souffrances amoureuses sont toujours les mêmes qu’au 15ème siècle, à quelques détails près :
aimez donc tant que vous voudrez
traînez dans les soirées et les boîtes
à la fin vous n’y gagnerez rien
et n’obtiendrez qu’une gueule de bois
les amours fous rendent les gens bêtes :
Rimbaud se fit tirer comme un lapin
Woody Allen en perdit ses lunettes
heureux qui n’en a pas
Comme on le voit, la veine drolatique l’emporte largement et, même si ceTestament s’achève inévitablement sur les obsèques du pauvre Manon et les injonctions forcément fatales que le destin lui adresse (résigne-toi Manon), ce dernier, en bon viveur devant l’Eternel, adresse dans le texte en supplément (L’épitaphe de Manon ou Ballade des poivrots) un ultime pied de nez à la Camarde :
camarade Whisky qui sur tous a maistrie
garde que Cirrhose n’ait sur nous seigneurie :
d’elle n’ayons que faire ni que foutre
poivrots il n’y a point ici de moquerie
mais pissez dru pas dans un dé à coudre